Qui sont ces nouvelles familles, devenues un des symboles caractérisant nos sociétés contemporaines ? D’après l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), une famille recomposée est constituée, dans sa version la plus simple, d’un couple d’adultes ayant eu au moins un enfant lors d’une précédente union. Cette définition, assez vaste, a le mérite de fournir un dénominateur commun à des situations très contrastées : qu’ils soient mariés, pacsés, ou en union libre, ces couples peuvent avoir un ou plusieurs enfants ensemble, voire aucun, puis se séparer … et former par la suite une nouvelle famille recomposée.
Comment alors regrouper au sein d’une même analyse des profils complexes et évolutifs dans le temps ? En 2019, il semble encore impossible de trouver des chiffres explicites pour dresser un portrait type de ces familles d’un nouveau genre. Valeur refuge dans une société contemporaine difficile, la famille se vit désormais comme un espace d’épanouissement relationnel. Les liens entre les membres d’un même foyer ne sont plus seulement institutionnels mais affectifs. Pourtant, alors que l’augmentation des divorces et des séparations est une réalité, l’INSEE avoue manquer d’éléments de comparaison fiables pour savoir, par exemple, s’il y a réellement plus d’enfants vivant en famille recomposée de nos jours qu’il y a 10 ou 20 ans. Seule certitude : « les familles recomposées n’augmentent pas dans la société française de manière aussi forte et régulière que les ruptures d’unions ou les familles monoparentales ».
Il existe pourtant une étude sur le sujet, réalisée en 2006 et publiée par l’INSEE en 2009. Malgré sa relative ancienneté, elle apporte des éclaircissements intéressants sur les membres des familles recomposées. L’enquête révèle notamment que 9% des enfants mineurs vivaient déjà il y a 5 ans dans une famille recomposée. Les 2/3 tiers d’entre eux grandissent auprès d’un parent et d’un beau-parent, les autres étant nés à la suite de la recomposition familiale.
Par conséquent, il y a souvent un écart d’âge significatif, de 7 ans en moyenne, entre l’aîné des enfants de la nouvelle union et ses demi-frères ou demi-sœurs. De même, leurs mères ou belle-mères sont en en général plus âgées que dans les familles traditionnelles : 38, 2 ans contre 37, 5 ans dans le deuxième cas. Mais dans ce cas là, les chiffres ne font que traduire une situation prévisible, quand elle n’est pas inévitable. La création d’un second foyer suppose nécessairement du temps : celui lié à la rupture du premier couple, mais aussi celui de la reconstruction personnelle et d’une nouvelle relation amoureuse. Les couples qui se créent alors suivent dans leur grande majorité le schéma classique de l’homme plus âgé que la femme. A un détail près : dans 1/3 des cas, c’est la femme qui est la doyenne du couple alors que cette proportion est ramenée à une fois sur cinq dans les familles traditionnelles.
Dans la même étude, des données mettent en lumière les fêlures et la fragilité des adultes qui composent ses familles recomposées. Les pères et les mères y sont sensiblement moins diplômés que dans les familles traditionnelles, et leur position sur le marché du travail est relativement précaire. Malgré une volonté indéniable de trouver un emploi, qui se traduit par une forte appartenance à la population active, elles sont plus fortement touchées par le chômage. Cela signifie t-il que les enfants courent un véritable risque de pauvreté ? Oui, mais si le risque existe, il est cependant à nuancer par rapport aux familles monoparentales : dans plus de 92 % des foyers recomposés, au moins un des deux parents travaille, alors que les familles monoparentales connaissent un taux de chômage qui avoisine les 31 %.
La portée de cette étude est néanmoins à relativiser. Pour la petite histoire, il faut savoir que les études statistiques ne prennent en compte que les habitants du logement. En clair, cela signifie que lorsque les enfants, le plus souvent à l’âge adulte, quittent le foyer pour voler de leurs propres ailes, ils ne sont plus comptabilisés dans la même catégorie. La « famille recomposée », qui n’a plus sous son toit que les enfants nés de la dernière union, est alors répertoriée comme une « famille traditionnelle ». Une situation un brin ironique pour tous les séparés avec enfants qui reviennent ainsi à la « case départ » : après avoir quitté la sphère de la famille traditionnelle suite à leur divorce, ils sont devenus des familles monoparentales, puis des familles recomposées et enfin à nouveau des familles traditionnelles. Comme quoi, les analyses chiffrées ne sont pas toujours capables de rendre compte de la diversité et de la subtilité des relations humaines …